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La peur de mourir

Il est temps que je vous raconte une histoire « extraordinaire » que j'ai longtemps gardée pour moi et qui conditionne en grande partie ma façon de voir la vie. J'ai eu le malheur de rencontrer le drame de la perte d'une mère aimante très jeune. De ce que j'ai pu percevoir petite, ma mère s'est battue une bonne année contre un cancer du sein et bien qu'elle se savait malade, bien que j'ai pu la voir souffrir et mourir à petit feu, jusqu'au jour de son départ, j'étais convaincue qu'elle était immortelle. J'avais quatre ans, à quatre ans, la mort n'existe pas.

Un jour, on nous a mis de côté et on l'a enterré. Lorsque je suis revenue dans sa chambre vide, je me suis intérieurement effondrée. Comme peu de mots m'ont été partagés à ce sujet au milieu d'adultes à la froideur comportementale pathologique (je ne me souviens pas qu'on m'ait prise dans les bras pour accuser le choc), une part de moi a certainement voulu quitter ce monde.


Je me souviens de la nuit qui a suivi l'annonce. J'ai fait un rêve particulier. Je me souviens parfaitement de ce rêve parce que j'ai souhaité, en vain, le refaire tout au long de mon enfance. Dans mon rêve, j'étais dans la pénombre, sur un chemin de traverse. Au loin, je vois ma mère habillée de blanc (j'ai longtemps cru qu'elle était en robe de mariée) marcher sur un chemin de terre, très attirée par un tunnel de lumière, de l'autre côté. Elle ne me voit pas. Je l'appelle pour attirer son attention. Elle semble surprise et presque embêtée de me trouver là. Elle prend le chemin de traverse pour venir vers moi. Je lui demande de me prendre avec elle. Elle me fait comprendre que ce n'est pas possible, que j'ai une vie à vivre. Elle m'explique ce qu'est la mort par des mots qui ne me soulagent pas vraiment sur le moment mais que je peux comprendre : « ma chérie, je suis morte, je reste vivante dans ton cœur, mais on ne pourra plus se toucher, se câliner, se sentir, etc. ». J'ai quatre ans et je ne l'accepte pas, je ne veux pas ! J'insiste et je vois qu'elle ne sait plus quoi faire, elle repart sur son chemin alors que je hurle et exige son retour. Je me réveille en pleurs et en criant « Maman ». Je n'ai pas pu prononcer correctement ce mot jusqu'aux 4 ans de ma fille il me semble. Ma grand-mère réveillée par mes cris vient voir ce qu'il se passe. Elle est visiblement épuisée. Je tente de lui dire mais elle me fait signe de me rendormir, toujours pas le réflexe de me prendre dans ses bras, juste un câlin, juste un ! Je garde pour moi cette histoire et prie tout les soirs que l'on me donne la possibilité de reparler à ma mère, même en rêve.


J'ai à nouveau tenté de la rejoindre une seconde fois, quelques mois après. J'étais malade et j'avais beaucoup de fièvre. Je suis « montée au ciel » et j'ai rencontré deux personnages de grande taille remplis de paix et de bonté. Je leur ai demandé de me reprendre, avançant l'argument d'avoir été (encore une fois) trop ambitieuse dans mes projets. Je voulais revoir la copie de ma vie. Ils ont souri et m'ont rappelé que j'avais choisi et qu' "à l'époque", je m'en sentais capable. Je leur ai rappelé à quel point c'était dur de vivre sur terre avec si peu d'amour. Ils ont accueilli mes propos, mon état et m'ont à nouveau laissé le choix, confiants, souriants. Je me souviens avoir hésité puis, puisant de la force dans ce qui émanait de leurs yeux, j'ai accepté d'y retourner : « je vais leur montrer qu'on peut être heureux sur cette terre ». J'ai eu l'impression de redescendre dans mon corps, la fleur au fusil.


Aujourd'hui, à 47 ans, je comprends pourquoi je ne vois pas les choses comme la majorité des gens. Cette expérience du monde après la mort vécue si jeune comme une évidence est encore un des plus grands mystères qui préoccupe les êtres humains sur terre. Mon parcours fut laborieux, certes, avec des blessures affectives qui m'ont amené à traverser de nombreuses difficultés de vie, mais j'ai eu la chance de ne pas avoir eu peur de la mort. J'ai eu l'expérience de la mort avant même de pouvoir en prendre conscience. Si tout le monde pouvait vivre ce genre d'expérience, je pense que nos relations humaines seraient bien différentes ! Je comprends mieux à présent la douleur que ça doit être de vivre sur terre avec la peur de mourir, en ressort un sentiment de compassion qui vient remplacer mon élan de révolte et d'incompréhension face à ce monde qui alimente par manque de conscience ou de connaissance la souffrance humaine.


Je cite ici les mots de Jung qui ont inspiré mon envie de témoigner aujourd'hui. Il écrit au sujet d'un proche défunt : « Maintenant il a disparu, il est sorti du temps, ce que nous ferons tous après lui. Ce que l'on appelle la vie est un cours épisode entre deux grands mystères qui n'en font en réalité qu'un seul. Je ne peux jamais m'attrister d'une disparition. Les morts ont la durée, et nous, nous ne faisons que passer. »


Tentons de rendre ce passage le plus agréable possible en apprenant à nous aimer pour de vrai !

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